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Anna Maria Sibylla Merian, Illustratrice et exploratrice naturaliste (1647-1717)

Ananas, gravure Maria Sybilla Merian, Histoire générale des insectes

Longtemps méconnue, Anna Maria Sybilla Merian est aujourd’hui reconnue pour l’importance et la beauté de son travail ainsi que pour son apport considérable à l’Histoire Naturelle de son époque. Elle est une femme remarquable : l’une des seules à avoir conquis sa place dans un milieu savant composé d’hommes, la seule de son époque à avoir pu entreprendre un voyage d’exploration scientifique avec sa propre méthode – à l’autre bout du monde qui plus est ! Et la première à s’être penchée sur la reproduction des insectes, « bêtes du diable » qui intéressaient peu et pour lesquels on croyait, depuis Aristote, à la génération spontanée !

Toute petite déjà, Anna Maria ramassait et observait vers à soie et toutes sortes de chenilles… elle en faisait élevage pour mieux les étudier ; une vocation qui ne l’a pas quittée et pour laquelle elle a fait preuve d’audace et de persévérance toute sa vie.

Portrait d’une jeune fille en fleurs

Son père, graveur en taille douce et éditeur, puis son beau-père, peintre, lui ont permis de commencer très tôt à exprimer ses talents : à 13 ans elle peint ses premières illustrations d’insectes et de plantes d’après ses observations personnelles de la nature. Elle recueille toutes les chenilles et vers à soie qu’elle trouve sur son passage pour les observer : leur transformation en papillons la fascine, et c’est ainsi qu’elle s’attelle à ses premiers dessins sur la métamorphose.

Elle se marie à 18 ans, s’installe à Nuremberg avec son époux, un peintre floral reconnu, avec lequel elle aura deux filles. Fine observatrice, dessinatrice talentueuse, elle est aussi une fervente lectrice de ces contemporains entomologistes. Elle se forge ainsi une solide connaissance du monde animal, en particulier celui des insectes, auprès duquel il reste encore de nombreuses découvertes à réaliser au XVIIe siècle. A 28 ans elle publie son premier ouvrage « Nouveau livre de fleurs ».

Parcours d’une femme moderne et savante, à l’ambition épineuse

Femme moderne, elle développe son art et son oeil critique, évoluant dans des sphères intellectuelles et savantes grâce auxquelles elle étend ses connaissances… Anna Maria Sybilla Merian a accès aux cabinets de curiosités de ses contemporains, dans la haute société néerlandaise, mais cela ne lui suffit pas : elle souhaite pouvoir observer les papillons vivants afin de comprendre leur processus de reproduction – sujet encore mystérieux à l’époque. C’est ainsi qu’elle entreprend de voyager au Suriname, colonie néerlandaise d’Amérique du Sud, pour y étudier ses papillons et ses espèces endémiques.

Libre et déterminée, elle a divorcé de son mari quelques années auparavant, et a fini par se déclarer veuve pour regagner la liberté dont elle a besoin. À 52 ans, elle décide, contre l’avis même de ses proches, de partir pour 2 mois de traversée jusqu’au Surniame, avec sa plus jeune fille. Pour financer son projet elle vend ses toiles, ses collections et propose même une souscription pour l’ouvrage qu’elle prévoit de réaliser. Sa méthode scientifique est moquée : l’observation directe n’était pas pratiquée à l’époque. On sourit donc devant les ambitions de la naturaliste.

Sur place, les deux femmes n’hésitent pas à partir en exploration au coeur de la jungle, et découvrent alors les fameux papillons tropicaux, que Anna Maria Sybilla Merian dessinera et peindra à l’aquarelle. Entourée d’esclaves qui contribuent grandement au succès de son voyage et de ses découvertes, elle évolue entre sa propriété, les plantations alentours et quelques excursions sauvages.  Elle n’observe pas que les insectes et la métamorphose des papillons – qui l’a rendue célèbre- mais de très nombreuses espèces animales et botaniques encore inconnues Outre-Atlantique.

Malheureusement, après presque deux années sur place, elle contracte le paludisme et se voit contrainte de rentrer aux Pays-Bas en 1701. Quatre ans après son retour, grâce à un travail intensif, adossée aux collections qu’elle a ramenées de son périple, elle publie, depuis Amsterdam,” Metamorphosis insectorum surinamensium“. Cet ouvrage rassemble 60 gravures accompagnées de ses textes.

Travail démesuré pour observations microscopiques

 Dans ces gravures mises en couleur à la main, elle met en scène les insectes observés durant son voyage, sur des spécimens botaniques (plantes, fruits exotiques…). L’ouvrage ne rencontre pas un franc succès, mais la grande beauté et la nouveauté des sujets fascinent… et attirent la critique. On dira de son travail qu’il « aurait pu être réalisé par n’importe quel jeune homme entomologiste », qu’elle y a fait des erreurs, et que seule l’esthétique de ses peintures lui confère le succès. Anna Maria Sybilla Merian ne gagnera pas un florin avec cet ouvrage, pourtant immense et inédit. Pour vivre, elle continue de vendre ses tableaux et préparations de couleurs, de donner des cours de peintures.

« Pour la réalisation de ce travail je ne fus pas cupide, mais quand je récupérais mes frais, je m’en contentais. Je n’ai pas regardé à la dépense pour l’exécution de cette œuvre. J’ai fait graver les plaques par un célèbre maître, et en même temps j’apportais le meilleur papier, pour apporter de la joie et du plaisir non seulement aux amateurs d’art mais aussi aux amateurs d’insectes, et cela m’apporte aussi beaucoup de joie quand j’entends que j’ai atteint mon but et que j’apporte en même temps de la joie. » Anna Maria Sybilla Merian au sujet de ” Metamorphosis insectorum surinamensium

Dans son oeuvre, d’une ampleur majeure, qui contribuera à l’essor de l’Histoire Naturelle de son époque, Anna Maria Sybilla Merian ne représente pas que des insectes, elle dessine aussi des animaux, des fleurs, des plantes, fruits & légumes – pour lesquels elle donne même des recettes et conseils de préparation !

C’est le tsar de Russie Pierre Legrand qui lui offre une visibilité nouvelle et durable, en faisant l’acquisition en 1717, l’année de la mort de Anna Maria Sybilla Merian, de deux volumes de ses peintures. Il les expose alors au palais Kikin et les rend accessibles au grand public.

Le travail de Maria Sybilla restera très présent dans la culture russe au point qu’on peut lire Vladimir Nabokov raconter sa joie et son émerveillement lorsque, enfant, il ouvrait les ouvrages de la naturaliste.

Pour une femme, et vu son ambition, on peut se réjouir qu’elle ait été à la fois reconnue et soutenue par une partie des savants de son époque, et que son travail ne fut pas invisibilisé dans l’Histoire. Outre sa découverte et ses présentations minutieuses des métamorphoses d’insectes, elle a introduit les concepts de cycle de vie, de chaîne alimentaire et d’interactions entre vivants, méconnus à leur époque. Pourtant, on préférait la célébrer pour son oeuvre artistique que scientifique, on la décrivait facilement comme une femme au foyer, amoureuse de nature… plutôt que comme la pionnière qu’elle était.

 

La métamorphose de la chenille en papillon : le principal sujet d’étude de la naturaliste, véritable défi à son époque

Anna Maria Sybilla Merian a créé la première classification pour tous les insectes à chrysalides (parmi d’autres classifications animales inédites). Cette étude n’était pas anodine car, depuis Aristote, les insectes – dont on ne comprenait pas le mode de reproduction – étaient figurés comme les « bêtes du diable » : naissant dans la boue ou les immondices, on ne savait rien d’eux et l’imaginaire allait bon train. Qu’une femme s’y intéresse au point d’y consacrer sa vie, de traverser le monde pour les observer et de percer leurs mystères, est remarquable ! Elle sera à la fois soutenue et écoutée dans la haute société, mais dénigrée par la communauté scientifique car elle n’écrivait pas en latin, le langage retenu pour les publications de sciences à l’époque.

C’est une de ses filles, après sa mort, qui oeuvra pour traduire ses oeuvres et les faire accéder aux sphères savantes et scientifiques. Ses livres seront alors réédités à plusieurs reprises. Ses deux filles, bénéficiant du talent de leur mère pour le dessin, poursuivent à leur tour son oeuvre d’illustrations naturalistes.

A la fin du siècle, ses travaux deviennent des standards dans le domaine des arts décoratifs.

Anna Maria Sybilla Merian, dont les premières peintures florales publiées furent utilisées comme modèles pour des travaux d’aiguille, fut une pionnière en bien des domaines et même la première personne a avoir dessiné… la tarentule ! Elle est aujourd’hui une référence et ses illustrations originales sont collectionnées par des amateurs d’art à travers le monde. On se souviendra d’elle pour son grand talent, sa persévérance et son audace ; elle aura été une des très rares exploratrices à avoir entrepris de voyager seule, sans homme à ses côtés, à une époque particulière où l’on excluait les femmes des domaines et des voyages scientifiques. Vous verrez donc, au delà de la beauté des traits de chacun de ses dessins, la flamboyance de son propre dessein !

Décoration murale, accumulations, gravures de Maria Sybilla Merian, Histoire générale des insectes

Retrouvez nos rééditions des oeuvres de Anna Maria Sybilla Merian sur papier texturé en impression d’art,

Et notre collection de toiles d’illustrations botaniques, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France

Sources :

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